Comprendre les raisons pour lesquelles certains groupes sont vulnérables face au changement climatique demande de repenser la manière dont l’adaptation et le développement sont traités surtout dans un pays comme Haïti où la capacité interne à répondre à des événements climatiques extrêmes est limitée, et souvent rattachée à l’aide internationale.
Aujourd’hui, l’adaptation au changement climatique et la gestion des risques naturels sont de plus en plus intégrés au sein des politiques de développement qui s’inscrivent dans des défis bien identifiés par les ODD.
Bien que Haïti soit, selon la Banque Mondiale, depuis 2011, parmi les états insulaires, celui qui reçoit la plupart des financements orientés à la résilience au climat et aux catastrophes, plusieurs faiblesses émergent dans l’aide climatique internationale en Haïti. Tout d’abord, le manque de financement visant à lutter contre la déforestation et la dégradation des terres (ODD15 – Vie terrestre). Sachant que les zones forestières ne représentent que 3,5% de la superficie des terres en Haïti, leur reboisement pourrait avoir de multiples avantages en termes de mitigation et d’adaptation au changement climatique. Par ailleurs, la gestion des zones côtières mériterait également beaucoup plus d’attention de la part des bailleurs internationaux (ODD14 – Vie aquatique) car la plupart de la population haïtienne vit dans les zones côtières et est dépendante de ses ressources. À l’instar de la gestion des zones côtières, la gestion intégrée des systèmes d’eau est une priorité qui actuellement n’est correctement prise en compte (ODD6 – Eau et Assainissement). L’aide internationale, telle qu’elle est aujourd’hui en Haïti, ne semble pas répondre pleinement aux questions liées à l’adaptation au changement climatique et elle tend à sous-estimer certaines dimensions politiques fondamentales, dépolitisant par ailleurs la vulnérabilité et la prise de décision. Or, la prise de décision en matière d’adaptation est, à l’évidence, un processus intrinsèquement politique qui implique l’inclusion ou l’exclusion de différents groupes, de leurs voix et valeurs. La manière dont les individus et les groupes comprennent et réagissent face aux conditions climatiques est influencée par les priorités locales, les valeurs, les croyances, la culture et les fondements épistémologiques des différentes visions du monde.
A ce jour, l’étude de la vulnérabilité, en Haïti comme ailleurs, a été étroitement liée aux aléas du changement climatique, plutôt que à ses causes les plus profondes.
Dans une réalité confrontée à des changements environnementaux rapides et à des fortes inégalités sociales face à la crise climatique, il demeure vital de comprendre la gouvernance de ses systèmes socio-écologiques. Les approches participatives et impliquées en termes de gouvernance peuvent, en effet, permettre de lutter contre la défragmentation dans la gestion des sujets environnementaux du développement durable en dénonçant la dépolitisation de l’espace social commun et acquérir ainsi une signification politisée dans le but de construire des processus participatifs de bas vers le haut revendiquant un espace politique. Au travers de nos travaux, on veut analyser la possibilité d’un changement des termes d’engagement avec certaines situations de vulnérabilité et d’un renversement des relations de connaissances afin que les trajectoires d’adaptation soient définies avec la participation des savoirs et des valeurs des personnes et des groupes souvent considérés comme vulnérables et proposer ainsi un nouveau modèle de la relation entre savoirs, science et politique pour la prise de décision. Une première étape sera marquée par la création d’un observatoire des dynamiques entre les sociétés et l’environnement conçu comme une plate-forme participative et transdisciplinaire autour de la municipalité de Cap-Haïtien, un espace urbanisé caractérisée par une vulnérabilité environnementale et sociale très élevée.
Les travaux menés dans le cadre du programme scientifique de l’Equipe de Recherche sur les Changements Climatiques (ERC2) de l’Université de Quisqueya (Haïti), en partenariat avec l’UMR Espace-Dev, visent à proposer des éléments de réponse sur les mécanismes qui contrôlent la fréquence et l’intensité des évènements extrêmes dans les Caraïbes et notamment an Haïti, ainsi que leurs impacts au niveau des sociétés.